Un cadastre napoléonien puis français
Ministre des Finances du Consulat et de l'Empire du 11 novembre 1799 (20 brumaire an VIII) au 1er avril 1814 puis du 20 mars au 22 juin 1815, Martin-Michel-Charles Gaudin est considéré comme le père du cadastre napoléonien. Dès 1802, il comprend que le cadastre ne peut être que général et parcellaire, dans le but de répondre à un enjeu essentiel : instaurer une véritable justice fiscale entre propriétaires, dans le cadre d'un impôt de quotité et non plus de répartition tel que l'avait connu l'Ancien Régime.
D'où la nécessité de réaliser un cadastre parcellaire par arpentage - par opposition au parcellaire uniquement déclaratif - rendant indispensable la présence des propriétaires sur le terrain, pour faire concorder les mesures relevées et les déclarations faites.
La situation particulière des départements déjà cadastrés avant 1807 - ce qui est le cas de la Haute-Savoie avec la mappe sarde - a été prise en compte par l'instruction du 20 floréal an XI (10 mai 1803), qui a autorisé l'usage conjoint des plans napoléoniens et des anciennes évaluations sardes, après que l'exactitude de ces dernières avait été reconnue. A l'occasion des travaux d'essai de rapprochement de ces deux cadastres, l'échelle précise de 1/2372e des plans de la mappe sarde a été déterminée par la commission des poids et mesures du Mont-Blanc, le 18 thermidor an XI (6 août 1803).
Le cadastre dit napoléonien a donc été réalisé en Haute-Savoie dès 1802 mais seule une centaine de communes ont été couvertes à la chute de l'Empire. On trouvera notamment parmi ces plans des feuilles dites "préparatoires" (sur calque) ainsi que des copies (sur papier) qui étaient destinées à l'expertise.
Les opérations de cadastration n'ont pas été reprises sous la restauration sarde, entre 1815 et 1860, et elles ne recommencent qu'à compter de 1860. Cette fois, ce sont l'ensemble des communes du département qui sont concernées. Les opérations, très longues, se sont poursuivies pendant tout le premier quart du XXe siècle.
On qualifie traditionnellement les documents de la période impériale de cadastre napoléonien par opposition au cadastre français qui englobe les documents dressés dans la période 1860-1930. Cette distinction sémantique à part et bien que des différences existent entre les deux plans napoléoniens et les plans français (le premier est encore très inspiré de la mappe sarde), il était cohérent de regrouper ces deux ensembles dans la sous-sous-série 3 P 3 pour les besoins des chercheurs. Les plans du cadastre consulaire et napoléonien qui avaient été initialement classés en sous-série 33 L ont donc été recotés en 3 P 3.
Les différents types de plans
Les plans géométriques
Pour certaines communes, on trouve, avant les plans parcellaires, des plans qualifiés de géométriques : cette appellation est en fait synonyme de plans par masses de culture, plans par nature de culture, plans par masses de nature de culture, ou encore "plans consulaires", car établis sous le Consulat.
Ces documents, exécutés en application des arrêtés des 12 brumaire an XI (3 novembre 1802) et 27 vendémiaire an XII (20 octobre 1803), ne reflètent pas les propriétés mais permettent la représentation en masses de différentes cultures, circonscrites entre les divisions naturelles, et devant servir à une évaluation - par " masses " - des propriétés imposables. On en trouve pour un certain nombre de communes seulement (entre deux et huit par arrondissement, en moyenne).
Les directives techniques relatives à ces plans, ainsi qu'aux plans parcellaires qui les remplacèrent à partir de 1807, s'inspirent des travaux datant de la fin de l'Ancien Régime de Jean-François Henry de Richeprey, ingénieur géographe.
Les canevas trigonométriques
Les canevas trigonométriques sont des documents techniques et mathématiques, établis lors des opérations de triangulation ; en ce sens, ils sont à rapprocher des dossiers d'opérations cadastrales par cantons (conservés dans la sous-sous-série 3 P 2). Ils complètent notamment les dossiers intitulés Triangulation et opérations trigonométriques.
Les tableaux d'assemblage
Les tableaux d'assemblage, comme leur nom l'indique, sont des plans représentant l'assemblage de l'ensemble du territoire communal, section par section ; y sont figurés les villages, avec leurs toponymes, ainsi que les cours d'eau.
Ils permettent de se repérer géographiquement lorsque l'on ne connaît pas la localisation précise d'un village ; les tableaux d'assemblage du cadastre français sont davantage détaillés que ceux du cadastre napoléonien.
Les plans parcellaires
Quant aux plans parcellaires, ils permettent de situer et d'identifier, grâce aux numéros parcellaires et aux matrices - lorsqu'elles existent - un bien donné, non bâti ou bâti ; il est également possible, dans la plupart des cas, de reconstituer ou d'étudier, par l'indication de la nature des parcelles, le paysage foncier d'un territoire donné à une époque donnée.
A partir des années 1880, les plans parcellaires du cadastre français possèdent des tableaux récapitulatifs des points trigonométriques et subsidiaires, qui sont des informations à caractère technique. De plus, les plans parcellaires peuvent contenir, inclus ou non sur une même feuille, un ou plusieurs développement, d'une échelle plus précise que l'ensemble du plan, de certaines zones, bâties ou non.
La recherche dans les archives foncières
Les archives foncières permettent de connaître le cadre de vie matériel des hommes, en décrivant les parcelles de terre ou les maisons qui leur appartenaient. On peut ainsi se faire une idée du niveau de vie de ses ancêtres, et suivre l'évolution de leur patrimoine immobilier.
Le plan cadastral est l'un des outils pour la recherche foncière car il représente la photographie d'un territoire donné à un instant précis.
Travailler simultanément sur plusieurs plans cadastraux d'un même lieu établis à des époques différentes permet également d'étudier l'évolution de l'occupation des sols et de l'aménagement du territoire.
En ce sens, le plan cadastral peut également constituer une aide à la décision pour l'élu local, en matière d'environnement, de développement rural ou d'urbanisation.
Des recherches scientifiques peuvent être menées dans le domaine de l'archéologie agraire, par l'étude de la structure des terroirs, de l'agencement et de la nature des parcelles et de la composition des habitats, ou portant sur l'étymologie et l'évolution de la toponymie.